Imaginez des millions d’adolescents à travers la Chine, penchés sur leur bureau dans une concentration silencieuse, la sueur perlant sur leur front alors qu’ils font face à ce qui pourrait être l’examen le plus important de leur vie. Il s’agit du Gaokao, l’examen d’entrée à l’université en Chine, souvent considéré comme le moment décisif pour des millions d’étudiants.
Si sur certains points, le Gaokao peut se comparer au Baccalauréat. Mais ce n’est pas seulement un moyen d’entrer dans une bonne université : c’est un rite de passage aux enjeux considérables qui transforme les bibliothèques tranquilles en zones de compétition et les maisons familiales en salles de stratégie.
Pourquoi cet examen revêt-il une importance aussi monumentale ? Parce que dans une société où l’éducation est souvent considérée comme la clé d’une vie meilleure, le Gaokao est le gardien ultime. Pour de nombreuses familles, en particulier celles qui sont moins aisées, cet examen est considéré comme la seule véritable occasion de faire un bond en avant vers un avenir meilleur, d’ouvrir les portes des meilleures universités et possibilités de carrières.
Le Gaokao (高考, gāokǎo), ou « Concours national d’entrée dans l’enseignement supérieur », tire ses origines du système d’examen impérial de la Chine ancienne (科举, kējǔ), qui visait à sélectionner les candidats les plus compétents pour occuper des postes gouvernementaux, sur la base de leur connaissance des textes confucéens et de la littérature classique.
Ce système d’examen rigoureux était le premier test standardisé au monde et visait à promouvoir la méritocratie, en permettant aux érudits issus des milieux les plus modestes de gravir les échelons s’ils étaient suffisamment intelligents et studieux.
Le Gaokao, tel que nous le connaissons aujourd’hui, a été officiellement introduit en 1952, après la création de la République populaire de Chine. Brièvement suspendu pendant la révolution culturelle (1966-1976), il a été rétabli en 1977 par Deng Xiaoping, pour devenir un élément essentiel de la réforme de l’éducation en Chine, marquant un retour au mérite académique et aux capacités intellectuelles en tant que pierre angulaire de l’avancement personnel et professionnel.
Depuis son rétablissement, le Gaokao est devenu un phénomène national, dont la structure et l’importance ont évolué. Dans les premières années, l’examen était relativement basique, mais au fil du temps, il s’est étendu à un large éventail de sujets, reflétant la modernisation de la Chine et la demande croissante de compétences diverses.
En 1970, moins de 1 % des Chinois avaient accès à un enseignement supérieur et moins de 1/1000 de la population chinoise était admise dans les universités. De nos jours, ce sont plus de 13 millions d’étudiants qui passent l’examen chaque année, avec un taux de réussite d’environ 85%.
Contrairement au Baccalauréat, le Gaokao ne se contente pas de mesurer vos connaissances, il vous classe par rapport à des millions d’autres étudiants. Le test s’étend sur deux jours épuisants et couvre un large éventail de sujets tels que la littérature chinoise, les mathématiques, l’anglais et les sciences.
Mais le plus important, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de réussir. Votre rang à l’examen détermine les universités auxquelles vous pouvez envisager de postuler. Plus votre rang est élevé, plus vous avez de chances d’entrer dans une université prestigieuse.
Les candidats ayant obtenu les meilleurs résultats sont les premiers à être admis, et les autres s’ajoutent à la liste. Les universités les plus recherchées, comme Tsinghua et l’université de Pékin, n’acceptent que la crème de la crème, c’est-à-dire les étudiants qui se situent tout en haut de l’échelle du Gaokao.
Le Gaokao est donc davantage une compétition féroce qu’un examen traditionnel. Il s’agit d’un concours national où chaque point compte et où la moindre erreur peut vous coûter votre chance d’entrer dans l’école de vos rêves. Pour les étudiants, il ne s’agit pas seulement de bien faire, mais de faire mieux que les autres. Et dans un pays qui compte plus de 10 millions de candidats chaque année, ce n’est pas une mince affaire.
Pour des millions de familles chinoises, le Gaokao est un rêve partagé, une mission collective et, parfois, une véritable obsession. En Chine, l’éducation est considérée comme la clé de la réussite, et le Gaokao ouvre la porte de cet avenir. Il n’est donc pas étonnant que toute la famille soit souvent profondément investie dans les résultats d’un élève. Des grands-parents aux jeunes frères et sœurs, chacun ressent le poids de cet examen colossal et joue son rôle dans le cheminement vers la réussite.
Les parents, en particulier, considèrent souvent le Gaokao comme l’occasion ultime pour leurs enfants de réaliser ce qu’ils n’auraient peut-être pas pu faire eux-mêmes. Pour de nombreuses familles, en particulier celles issues de milieux moins privilégiés, l’examen représente la chance de s’affranchir des limites de leur statut socio-économique. C’est une chance unique de gravir l’échelle sociale et économique et de s’assurer un avenir meilleur.
La pression ne pèse pas seulement sur l’étudiant, mais sur toute la famille. De nombreux parents se donnent beaucoup de mal pour assurer la réussite de leur enfant, que ce soit en engageant des professeurs particuliers, en l’inscrivant dans des écoles de bachotage coûteuses ou en créant un environnement propice à l’étude à la maison. Des sacrifices sont faits, des vacances sont reportées et les portefeuilles sont mis à rude épreuve, tout cela dans l’espoir d’obtenir le meilleur résultat possible.
Ce rêve commun comporte également un aspect émotionnel. Dans la culture chinoise, les résultats des enfants sont souvent considérés comme le reflet du dévouement et de l’amour de leurs parents. Un score élevé au Gaokao apporte une immense fierté et un grand honneur à la famille, tandis qu’un score faible peut être ressenti comme un échec collectif.
Et puis il y a les discours d’encouragement ! Les parents prodiguent sagesse, encouragements et, parfois, un peu de culpabilité : « Nous avons fait tant de sacrifices pour toi, rends-nous fiers ! »
Le Gaokao a beau être un concours académique national, tout le monde ne part pas sur la même ligne de départ. Pour les minorités ethniques de Chine (comme les Hui, les Ouïgours, les Tibétains et les Zhuang) le Gaokao est à la fois un défi et une opportunité, enveloppés dans un mélange complexe d’avantages et de désavantages qui reflètent les efforts plus larges de la Chine pour trouver un équilibre entre l’équité et l’unité nationale.
La Chine reconnaît officiellement 56 groupes ethniques, la majorité Han représentant plus de 90 % de la population. Afin de promouvoir l’inclusion et l’harmonie sociale, le gouvernement chinois a mis en place diverses politiques visant à soutenir les étudiants issus de minorités ethniques dans leur poursuite de l’enseignement supérieur, y compris des considérations spéciales pour le Gaokao.
Par exemple, ils reçoivent souvent des points supplémentaires sur leurs scores au Gaokao, ce qui peut contribuer à améliorer leur classement dans les universités. Dans certains cas, ils sont soumis à des exigences légèrement moins strictes, en particulier dans des matières telles que la littérature chinoise, compte tenu du fait que le mandarin n’est peut-être pas leur langue maternelle.
Ces politiques visent à mettre sur un pied d’égalité les étudiants issus de minorités ethniques, dont beaucoup viennent de régions éloignées ou sous-développées où l’accès à une éducation de qualité est limité. Les points supplémentaires et les conditions d’examen adaptées sont considérés comme des moyens de compenser ces désavantages, en donnant aux élèves des minorités ethniques une chance plus équitable de rivaliser avec leurs camarades Han, qui ont souvent accès à de meilleures ressources éducatives.
L’enjeu est toutefois plus large : Comment la Chine crée-t-elle 👉 un système éducatif qui soit à la fois équitable et inclusif, en conciliant le besoin de normes nationales avec les réalités d’une société diverse et multiethnique ? Le Gaokao, en tant que microcosme de cette dynamique sociale plus large, illustre les complexités liées à cet exercice d’équilibre.
En fin de compte, le rôle des minorités ethniques dans le Gaokao reflète les efforts continus de la Chine pour trouver l’équilibre délicat entre l’égalité et la méritocratie, entre la reconnaissance de la diversité et la promotion de la cohésion nationale. L’objectif ultime étant de faire en sorte que le rêve de la réussite scolaire soit accessible à tous, indépendamment de l’appartenance ethnique ou des antécédents.
Pour les étudiants qui passent le Gaokao, les semaines précédant l’examen sont une frénésie de nuits blanches, de montagnes de flashcards et d’interminables tests d’entraînement. Mais que se passe-t-il une fois que les résultats sont connus ?
Pour les étudiants qui réussissent le Gaokao avec d’excellents résultats et sont admis dans les meilleures universités, la pression se dissipe comme un brouillard après une tempête. Après des années d’études intenses et de compétition acharnée, la vie universitaire est souvent un soulagement bienvenu.
L’université devient une période plus détendue, une période de découverte et d’exploration de soi. De nombreux étudiants en profitent pour s’inscrire dans des clubs, explorer de nouveaux passe-temps, appréciant la liberté d’expérimenter et d’apprendre au-delà des manuels. Mais ces étudiants sont également conscients que leur parcours ne s’arrête pas là. Même si les enjeux ne sont pas aussi importants que lors du Gaokao, les années d’université façonneront leur future carrière et leur développement personnel.
Pour ceux qui n’obtiennent pas les résultats qu’ils espéraient ou qui ne parviennent pas à entrer dans l’université de leurs rêves, l’issue peut être ressentie comme un coup dur. Dans une société où le Gaokao est souvent considéré comme le critère ultime de réussite, le fait de ne pas réussir (ou de ne pas réussir avec le résultat souhaité) peut entraîner un profond sentiment de déception et d’incertitude. Mais il s’agit souvent du début d’un voyage différent.
Certains choisissent de repasser le Gaokao l’année suivante, consacrant une autre année à la préparation dans l’espoir d’obtenir un meilleur résultat. D’autres choisissent une voie différente, en s’inscrivant par exemple dans des universités moins prestigieuses. Il y a aussi ceux qui décident de s’éloigner complètement de la voie académique. Certains choisissent d’entrer directement dans la vie active, en recherchant des emplois qui n’exigent pas de diplôme universitaire ou en s’inscrivant à des programmes de formation professionnelle. Pour ces jeunes, le parcours peut consister à relever de nouveaux défis et à se construire un avenir en dehors du parcours universitaire traditionnel.
En fin de compte, le résultat du Gaokao, qu’il soit triomphal ou décevant, ne scelle pas le destin d’un étudiant. Bien qu’il s’agisse d’une étape importante qui peut ouvrir de nombreuses portes, ce n’est pas la seule voie vers le succès. La société chinoise reconnaît progressivement qu’il existe de multiples façons de construire une vie utile et prospère, et qu’un seul examen, aussi important soit-il, ne devrait pas définir l’avenir d’une personne. Les Chinois sont de plus en plus conscients que la vie après le Gaokao ne consiste pas seulement à survivre à l’examen, mais aussi à s’épanouir après, quelle que soit la forme que cela peut prendre.
Le Gaokao est finalement un rite de passage et un reflet des valeurs profondément ancrées en Chine en matière d’éducation, de persévérance et d’ambition. Pour des millions d’étudiants chinois et leurs familles, l’examen représente à la fois un défi et une opportunité, une chance de gravir les échelons de la réussite et un test de résilience.
Il s’agit d’une compétition aux enjeux considérables, dont les lauréats en retirent un sentiment de fierté, une chance de mobilité sociale, peut-être plus important encore, la conviction que le travail acharné et la détermination sont des atouts.
Cependant, le Gaokao met également en lumière les complexités d’une société qui se modernise rapidement : le fossé entre les villes et les campagnes, les pressions exercées par les attentes des familles et le débat permanent sur l’équité et l’intégration dans une nation diversifiée.
Malgré ses défauts et ses controverses, le Gaokao reste un élément déterminant de la société chinoise, un marqueur culturel qui unit les familles autour de rêves et d’aspirations communs. Au fur et à mesure que la Chine évolue, le rôle du Gaokao évolue lui aussi, conciliant tradition et progrès, méritocratie et reconnaissance de la diversité des talents et des potentiels.
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