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Un ami chinois vous envoie un message : « On se retrouve à peu près 10 heures ». Pour vous, Occidental habitué aux rendez-vous calés à la minute près, cela veut dire quoi ? 9h50 ? 10h05 ? 10h30 ? Vous arrivez à l’heure pile, attendez… et commencez à bouillonner intérieurement.
Même dans une discussion entre collègues : « C’est à peu près fini ! ». Mais pas totalement. Pas exactement. Et là encore, la frustration monte : pourquoi ne pas donner un horaire précis, un état clair des lieux ?
C’est là que se loge le malentendu. Ce qui, pour beaucoup d’Occidentaux, ressemble à de l’imprécision, voire du laxisme, est en réalité l’expression d’une autre logique. 差不多 (chàbuduō) n’est pas seulement un mot pour dire « à peu près ». C’est un état d’esprit.
C’est bien plus qu’une approximation linguistique. C’est une philosophie pratique, un outil social et une lentille à travers laquelle une grande partie de la société chinoise perçoit et interagit avec le monde.
Avant de comprendre pourquoi 差不多 (chàbuduō) est si présent dans la vie quotidienne des Chinois, il faut d’abord le regarder dans sa construction.
差 (chà) : différer, manquer, être inférieur à.
不 (bù) : ne pas.
多 (duō) : beaucoup, plus.
Pris au pied de la lettre, 差不多 signifie donc : « ne pas différer beaucoup », autrement dit : « à peu près », « presque pareil », « suffisamment proche ».
Mais derrière cette simplicité apparente, le terme a une portée bien plus large, nourrie par des courants de pensée millénaires.
La pensée taoïste invite à s’adapter au flux naturel du monde (Dao 道), à reconnaître la complexité de l’univers et à se méfier d’une rigidité artificielle. 差不多 peut être lu comme une application moderne de ce principe : inutile de contraindre la réalité à nos standards de perfection, mieux vaut suivre le courant, avec souplesse et pragmatisme.
Confucius insistait certes sur la rigueur (正名 zhèngmíng, « rectifier les noms »), mais il plaçait avant tout l’harmonie sociale (和 hé) au centre de sa pensée. Dans certaines situations, exiger une précision absolue peut revenir à faire perdre la face à son interlocuteur, à créer un conflit ou à bloquer l’avancée d’un projet collectif. 差不多 agit alors comme une intelligence relationnelle qui maintient la paix du groupe.
Au début du XXe siècle, l’intellectuel HU Shi (胡适) publie un essai satirique : La biographie de Monsieur À-peu-près《差不多先生传》. Il y raconte l’histoire d’un homme dont toute l’existence est guidée par le « à peu près » : il soigne ses maladies « à peu près », il fait son travail « à peu près »… et finit par mourir « à peu près » bien.
Cette satire pointait déjà une tension qui reste actuelle : entre la sagesse ancienne d’un pragmatisme souple et les exigences de précision imposées par la modernité industrielle. Plus d’un siècle plus tard, la société chinoise navigue toujours entre ces deux pôles, et 差不多 continue d’incarner ce grand écart culturel.
Le génie du 差不多 (chàbuduō), c’est qu’il permet d’aller à l’essentiel. Pourquoi dépenser une énergie folle pour atteindre une perfection absolue, alors que le résultat est déjà suffisant ?
En Chine, on privilégie souvent l’ensemble qui fonctionne plutôt que le détail millimétré.
C’est une logique du résultat : ce qui compte, c’est que ça marche, que ça tienne, que ça remplisse sa fonction. Peu importe si le détail n’est pas parfait.
Exemple : vous peignez un mur. En reculant, vous remarquez un tout petit défaut dans un coin. Votre ami chinois vous dira sans hésiter : 这样差不多了 (Zhè yàng chàbuduō le) : « Comme ça, ça ira. »
Le mur est blanc, propre à l’œil nu, donc inutile d’y passer une heure de plus.
Viser la perfection coûte du temps et de l’énergie. 差不多, c’est le calcul implicite : le gain supplémentaire de précision ne vaut pas l’effort. C’est une optimisation : aller droit au but avec l’investissement minimum. 差不多 permet aussi de vivre avec l’imprécision. Dans un monde complexe où tout change vite, il est inutile de vouloir tout contrôler. C’est accepter de rester souple, de s’adapter aux circonstances.
Au marché, vous négociez un prix. Le vendeur vous fait une réduction, vous hésitez encore… mais lui conclut : 好,这样差不多了 (Hǎo, zhè yàng chàbuduō le) : « D’accord, comme ça c’est bon. »
Pas besoin de batailler pour 2 ou 3 yuans de plus.
À retenir
这样 (zhè yàng) = comme ça, de cette manière.
差不多了 (chàbuduō le) = c’est bon comme ça / c’est suffisant / ça passe.
En somme, 差不多 est un raccourci culturel : un mélange d’efficacité, de pragmatisme et d’économie d’effort.
C’est ici que 差不多 (chàbuduō) devient délicat. Selon le contexte, ce petit mot peut être perçu comme une qualité précieuse… ou comme un énorme défaut.
Dans la vie quotidienne, 差不多 est synonyme de flexibilité. Il permet de désamorcer les tensions, d’éviter de se disputer pour des détails insignifiants, de garder le cap sur l’essentiel. Personne ne se braque, tout le monde avance.
Deux amis se donnent rendez-vous “差不多十点” (chàbuduō shí diǎn) → “vers 10 heures”. Personne ne panique si l’un arrive à 9h50 et l’autre à 10h15. On se retrouve, on profite, c’est ça qui compte.
Mais dans certains domaines, 差不多 est inacceptable. Un boulon serré « à peu près » peut coûter la vie. Un diagnostic médical « à peu près juste » peut être catastrophique. Un délai « à peu près respecté » peut ruiner une relation professionnelle.
Le contexte est roi, et tout l’enjeu est là. Pour naviguer cette dualité, une règle simple peut guider :
差不多 est acceptable (voire encouragé) dans les domaines relationnels, subjectifs et quotidiens : amitié, repas, négociation, cuisine, estimations.
差不多 est inacceptable (perçu comme du laxisme) dans les domaines techniques, sécuritaires et contractuels : ingénierie, médecine, droit, délais formels.
La maîtrise de cette règle distingue celui qui vit en Chine de celui qui comprend la Chine.
Pour l’expatrié ou le partenaire business, le vrai danger n’est pas de mal utiliser 差不多, mais de ne pas savoir décoder quand son interlocuteur chinois l’emploie de manière acceptable… ou inacceptable. Et cela demande surtout une chose : être attentif au contexte plus qu’aux mots.
Derrière ce petit mot se cache une grande leçon culturelle : pour comprendre la Chine, il faut accepter que la logique n’est pas toujours binaire, qu’entre le noir et le blanc, il existe une infinité de nuances de gris. 差不多, c’est justement cette zone intermédiaire.
Pour beaucoup d’Occidentaux, habitués à la précision, à la ponctualité et aux procédures millimétrées, 差不多 sonne comme un défaut : de l’incompétence, du désintérêt, voire un manque de respect.
Si un manager français entend un collaborateur chinois dire que le projet est “差不多准备好了” (chàbuduō zhǔnbèi hǎo le, “c’est à peu près prêt”), il panique : pour lui, soit c’est prêt, soit ça ne l’est pas.
En Chine, ce n’est pas le détail qui compte, mais l’efficacité du résultat global. Un projet peut évoluer, une relation peut s’adapter, un timing peut se négocier. L’important, c’est de garder la fluidité. 差不多 devient alors une manière de préserver l’harmonie et d’éviter les blocages.
Dans les relations humaines, 差不多 sert à arrondir les angles. Accepter qu’une approximation est suffisante, c’est aussi éviter de froisser l’autre, ou de créer un conflit inutile. Cela reflète une valeur centrale de la culture chinoise : l’harmonie.
Pour un étranger, comprendre 差不多, ce n’est pas seulement enrichir son vocabulaire. C’est entrer dans une logique culturelle où la souplesse prime sur la rigidité. C’est accepter que la vie n’est pas une suite d’équations exactes, mais un ajustement permanent.
En d’autres termes : si vous voulez travailler, voyager ou vivre en Chine, il faudra apprendre à faire la paix avec le “à peu près”… parce qu’il est au cœur de la manière chinoise d’habiter le monde.
Lire aussi : Pourquoi en Chine, chaque faveur appelle un retour
Au fond, 差不多 (chàbuduō) n’est pas juste un mot qu’on traduit par « à peu près ». C’est une façon d’accepter que tout n’a pas besoin d’être parfait pour fonctionner. Il reste une clé invisible de la culture chinoise, présente dans la langue, dans les relations sociales et jusque dans la manière de penser l’efficacité.
La prochaine fois que vous entendez 差不多, demandez-vous : qu’est-ce que cela révèle de la logique chinoise dans cette situation ?
Apprendre le chinois, ce n’est pas seulement mémoriser du vocabulaire ou de la grammaire. C’est aussi découvrir ces petites fenêtres qui ouvrent sur une autre manière de voir le monde. Et c’est aussi ce que vous apprennent nos professeurs natifs.
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